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Ecrits personnels

 
 
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Fortune critique

 
 
 

"Je ne trouve pas problématique d'être sensible à certains aspects de son époque, qu'ils soient ou non banalisés ou récupérés, et d'être influencé par eux. Je pense au métissage culturel, à l'interdisciplinarité... d'autres aspects sont plus critiquables et il faut savoir y résister, mais pas en bloc : l'urgence, le zapping, la mondialisation des informations. Tout ça a un air de famille avec l'hétéroclite. Oui, les pratiques multiformes et dispersées sont courantes dans l'art actuellement. Ces démarches me facilitent la tâche pour comprendre que le disparate est souce de richesse et pas forcément superficiel, et que je désire, par tempérament aussi plutôt éclaté, procéder ainsi."

1998 - Pierre GAREL "la surface des choses"

 

"Sans issue", un thème incisif qui traduit la difficile situation de l'émigration des africains vers cette Europe qui ferme les portes d'accés. Ce n'est pas pour rien si ce sont les écrits de Aminata Traoré qui ont inspiré Pierre Garel. Cette altermiondialiste malienne ne cesse de rappeler aux africains que le sursaut salvateur est possible que si et seulement si l'Afrique et ses dirigeants osent compter sur les propres forces du continent. Malgré l'expression différente d'une même réalité, le mélange est si bien réussi qu'il est difficile de deviner où commence Pierre et ou s'arrête Hyacinthe. Le problème de l'émigration est montré dans un style simple par deux peintres de culture différente qui maîtrisent leur sujet avec passion'

2007 - Pierre GAREL - présentation de l'exposition "Sans Issue" avec Hyacinthe Ouattara, Centre Culturel Français de Ouagadougou

 

La peinture éclatée

(...) Je crois que je préfère la peinture quand elle s'éclate dans la réalité (Rauschenberg, Télémaque), dans l'espace (Stockholder, Rousse, Tremlett), ou au moins dans d'autres matériaux (Paladino, Kieffer, Barcelo), celle qui intègre allègrement le collage, l'assemblage ou flirte avec la sculpture (Kapoor, Pagès) ou l'installation; celle qui m'apparaît en lien direct avec la vie, 'je suis pour l'art, mais pour l'art qui n'a rien avoir avec l'art; l'ar à tout à voir avec la vie mais n'a rien à voir avec l'art' (R. Rauschenberg). La peinture inattendue, la peinture éclatée... Je la trouve plus ludique, surprenante, jouissive, que la peinture 'pure', homogène - elle est surtout l'œuvre d'un XXe siècle bouillonnant et touche-à-tout, souvent iconoclaste, des collages dadaïste et cubistes aux expériences installationistes des années 90Je constate que Rauschenbeg est pour moi la référence essentielle, c'est un repère, d'abord pour son état d'esprit très positif ('dans ma vie j'ai toujours ressenti de la joie en travaillant'), simplicime mais roboratif ! même si je ne lui ressemble pas, il représente justement ce à quoi j'aspire ! mais il est aussi un repère dans le processus de création, celle d'une oeuvre réceptacle où les différents items - peinture, images, transferts, objets, ont la même importance, et perdent peu leur statut d'origine. Cet aspect me fascine : une fragmentation de l'espace qui ressemble à la fragmentation du monde humain, et à celle de l'esprit humain si peu unifié - j'en sais quelque chose... une fragmentation radicale d'éléments de natures différentes. Ce que la peinture pure ne permet pas à ce point. Des mondes différents juxtaposés (un objet et son image : deux mondes !), et la déstabilisation du regard que cela implique... Pas une juxtaposition au sens surréaliste d'une rencontre incongrue, mais un télescopage formel, d'articulations plastiques, quelles qu'elles soient, entre ces fragments de natures différentes, à-priori non conciliables. Ce sont ces articulations, potentiellement infinies, qui me procurent un grand plaisir visuel. Le plaisir est aussi de l'ordre du jeu de pistes, face à des oeuvres labyrinthiques que chacun parcoure à sa manière. Bien sûr il n'y a pas que Rauschenberg, mais il incarne cette tendance. Que sa mort m'ait autant marqué est significatif.

Quelques raisons de travailler dans ce domaine : J'ai l'intuition que ce type de pratique permet une oeuvre engagée, pas forcément davantage engagée, mais de manière moins illustrative que la peinture pure (figuration narrative ?...). C'est cet aspect illustratif de l'art engagé dont je me méfie, cette subordination à une idéologie. L'artiste qui colle une reproduction de Lénine, ou la sérigraphie, me paraîtra toujours moins embrigadé et plus libre que celui qui peint laborieusement un portrait ressemblant du même Lénine... Cette possibilité m'intéresse aujourd'hui. J'ai aussi l'intuition - l'illusion ? - que l'innovation, même relative, dans ce domaine de la peinture éclatée est davantage possible, grâce à ses innombrables possibilités techniques et spatiales, et cet effet de surprise citée plus haut. Je trouve aussi que l'artiste y est moins prisonnier d'un savoir-faire technique plutôt classique, celui qui illusionne le profane, ce qui n'empêche pas une extrême technicité si nécessaire - voir les recherches très pointues d'un Rauschenberg toujours, qui d'ailleurs à ma connaissance n'a jamais dessiné dans sa carrière d'artiste. Pour moi, le dessin reste un élément constitutif de la peinture, un matériau encore, qui apparaît plutôt en surimpression, en jeu avec les couches de peinture. Je crois finalement qu'elle me permet de travailler dans un état d'esprit moins névrotique, retiré du monde, qu'elle me relie davantage au monde des hommes (malgré toute la méfiance que celui-ci peut souvent m'inspirer !) qu'au monde de l'art.

Je trouve que la vie en Afrique est particulièrement propice à un tel travail. Peut-être est-ce une des raisons pour laquelle je trouve souvent les pratiques picturales ici, ces kilomètres de peintures abstraites matiérées, déplacées et hypocrites - si loin de la société qui les entoure. Rauschenberg, lui, n'est jamais venu en Afrique, il ne savait pas comment les rues de Ouaga pouvaient ressembler à ses oeuvres...

2009 - Pierre GAREL - notes sur "la peinture éclatée"

 

Quelles influences revendiques-tu ou quels courants de sympathie as-tu dans le champ de l'art contemporain ?

Il y a des artistes phares qui me plaisent beaucoup, ce qui ne signifie pas qu'on puisse le percevoir dans ma peinture. Claude Monet, les expressionnistes allemands, tel Kirchner, l'expressionnisme abstrait américain. Et puis Robert Rauschenberg en particulier de qui je me sens proche, pour son âme de peintre reliée au plaisir intense qu'il a d'utiliser toutes sortes d'objets issusde son environnement. Dans les pratiques contemporaines, j'apprécie Miquel Barcelo, cet artiste des Baléares qui a vécu à Paris, à New-York et au Mali. C'est un peintre dont j'admire le parcours et la créativité, ainsi que sa pratique qui n'a rien à envier à toutes les modes technologiques occidentales, parce qu'il est une sorte d'homme préhistorique de la peinture moderne, à travers toutes les matières qu'il utilise, son regard sur le monde, et le relief, le côté rugueux de ses peintures. Je me sens également encouragé à persévérer dans la voie qui est la mienne, devant le travail d'artistes tels que Andy Goldsworthy, Richard Long, ou Giuseppe Penone, pour la prise en compte de la nature ou de l'environnement qu'impliquent leurs démarches.

Je me souviens de cette devise, peinte dans ton atelier à Aix-en-Provence, en 1987 : « We belong to the earth. »

Il est pertinent d'évoquer cette formule parce qu'il est vrai qu'avec tous les problèmes qui se posent aujourd'hui en termes d'environnement, de pollution, de survie de la planète, j'ai l'impression que le combat à mener, est celui-là. Actuellement, si un artiste doit s'engager, c'est en priorité en ce sens. Je ressens d'ailleurs cette nécessité de nous interroger pour tous les corps de métier : que faisons-nous dans ce monde, quelle empreinte écologique laissons-nous par notre vie au quotidien et notre travail ? C'est pourquoi, dans ma pratique picturale, je me propose désormais de remplacer les matériaux et outils traditionnels des beaux-arts, et de n'utiliser uniquement que des outils et matériaux de récupération, de recyclage.

2010 - Pierre GAREL - Extrait d'un entretien avec Laurent BRUNET - revue Lisières

 

Je présente donc dans cette structure discrète en palettes de bois l'atelier-laboratoire réorganisé d'un artiste, très probablement moi-même, qui chercherait par la couleur un antidote à la douleur. Le travail exposé a été motivé par mon vécu récent : en l'espace de quelques semaines, j'ai perdu mon père et vu mes grands élèves, le baccalauréat en poche, s'éparpiller aux quatre coins du monde. Lieu d'exposition en 2 salles contigües, l'espace de la première se réfère à la génération du père, la seconde à celle des élèves. L'exposition évoque donc aussi la transmission de valeurs entre générations. Après plusieurs mois d'inactivité, je me suis plongé à corps perdu dans le flux d'une création contemplative assez nouvelle pour moi, notamment parce que j' dialoge avec des réalisations artistiqes d'élèves, et avec une matière-couleur vivante qui précède l'image. Je me suis ainsi retourné sur la figure de Joseph Beuys, pour qui l'essence de l'art ne se trouve pas dans l'objet produit, mais dans l'énergie qui alimente les échanges entreles hommes. Je me sis accompagné aussi de l'étrangeté des oeuvres semi-organiqes de Eva Hesse.

J'aborde pour la première fois depuis 25 ans ma thématique du déplacement au sens figuré. Dans l'introspection et la chaleur revigorante de ma couleur jaune fétiche, je tente par ce travail sériel éclaté entre installations, photographies, peintures, échantillons et résidus, de retrouver le plaisir de la création et de la transmission d'un savoir intuitif. Nulle expression de la douleur, juste le désir d'agir enfin dans l'apaisement qu'elle a motivée.

2017 - Pierre GAREL - pour le catalogue de l'exposition "Vom Schmerz zur Farbe"

 

NOTES SUR PEINTURES ET ALENTOURS

Prologue : échafauder un projet artistique, c'est fonctionner par association d'idées pour tisser un réseau de fils et de noeuds qui peut retenir l'attention, en premier lieu l'attention de l'artiste lui-même.

JUIN : Autour de quelques tableaux présents au Manoir, notamment de Nathalie Coussée, nous avons pu évoquer avec Thibault notre intérêt pour les artistes de CoBrA. Alors le désir de retrouver Alechinsky par la pensée et la peinture s'est présenté, avéré immense, et donc aussi le risque de l'envie de « faire du Alechinsky ». Je le remercie d'avoir accepté ma proposition de résidence chez lui, personne ne mesure comment celle-ci est providentielle pour moi, en marge de la grande ville et du monde des hommes.

JUILLET : Photographies d'eau au Manoir. Lac et canaux. Plantes aquatiques, déchets organiques flottants, eaux vives et stagnantes... et les tortues, au nombre de 46. Alechinsky a beaucoup peint sur le thème de l'eau, pas étonnant, lorsqu'on peint plongé dans l'encre et qu'on mouille à grandes eaux pour maroufler !

Traiter les photos : je retiens surtout les vues de dessus, elles seront essentiellement en noir et blanc, les tortues apparaîtront très succinctement. Les photos serviront de « remarques marginales », coupées et collées en fragments sur les bord de la toile. « 1965, de retour de New York, « Central Park » : Première acrylique. La regarder longtemps tout en dessinant à la queu leu leu sur de longues bandes de papier Japon, les épingler aux alentours : premières remarques marginales. Coller le tout sur une toile : premier marouflage. » Pierre Alechinsky. Noter que le terme de « remarques marginales » vient de la lithographie, où des indications de tirage étaient écrites sur les bords de la pierre.

Alechinsky travaillera aussi souvent sur des cartes de géographie. Vastitude d'une surface dès lors qu'elle est cartographique, à condition de savoir lire et rêver une carte. Moi je sais. J'adore la cartographie depuis toujours. Je maroufle, au centre des toiles, 10 cartes identiques au 200 000e de Ouagadougou et ses environs, dont Loumbila, trouvées à l'IGB.

AOUT : du 17 au 22, résidence au Manoir. Comment peindre ? essentiellement en noir, noir acrylique peu opaque sur papier... Le jaune fera juste des apparitions, sans doute pour les tortues, énergies intérieures. Donc, comme Alechinsky : les remarques marginales, les cartes, le remplissage encré, une bestiole par-ci par-là, et une couleur magnifiée par les marges en noir et blanc... Aïe, ça fait beaucoup.

« Quand mon pinceau baguenaude sur les pages d'un vieil atlas et qu'au détour d'une frontière il tombe en vieux marcheur qu'il est, sur le tracé d'une courbe qui pourrait de près ou de loin ressembler à une robe, une chevelure il n'y a plus qu'à se laisser aller. Ce n'est pas du travail, c'est de la rêverie qui trotte. » Alechinsky

Le hachurage, c'est très plaisant, ça fait monter peu à peu l'image comme une photo dans le bain du révélateur. J'utilise la peinture en semi-opacité, de nombreuses couches sont nécessaires. Savoir s'arrêter à temps, peu de retour en arrière possible. Proche des ombres de la gravure, ou du dessin - voir la version BD du « Rapport de Brodeck » par Manu Larcenet... mais ici ce ne sont pas des ombres puisque l'image n'est pas figurative. Quoique...

Ah, la question de la figuration ! Alechinsky encore, dans « Roue Libre », Skira, 1971, je cite approximativement : « ces 7000 coups de pinceaux ne représentent pas une femme, c'est cette femme qui représente 7000 coups de pinceaux. ». Pour comprendre comment une figure, pour un peintre, peut n'être qu'un prétexte à peindre. La question de la figuration : les photos le sont, même si, assez minimalistes et fragmentées, leur lecture n'est pas aisée, et la carte comme ensemble de signes l'est aussi. Rajouter un 3e type de figuration ? Attention : lourdeur ! C'est ce qui se passe avec ces tortues, que je voulais comme une présence animiste, énergie-pierre, forme ramassée au ralenti, intemporalité. Mais voilà, je n'y arrive pas, je n'y vois que lourdeur et narration, ce qui pour moi est souvent synonyme. Donc plus de tortues, sauf celles qui apparaissent en photographie, mais discrètement car c'est leur espace, sur 3 des 10 peintures.

La question de la figuration, 2e remarque : Le site du fortin sur le lac est magnifique. Cette couleur d'eau terreuse, ces plantes aquatiques (quelle rythmique!), les pétales de chêvrefeuille qui tombent lentement dans les récipients à peinture, leur odeur délicate et celle de l'eau aux effluves âcres, ces mille présences animales sonores invisibles et tous ces oiseaux, et cette couleur du ciel quand l'orage se prépare. Bref, « imbibé » de tout cela comme le dit si bien Peggy Renaud, je pourrais me lancer dans le paysage, mais même « l'équivalence plutôt que la ressemblance » chère à Cézanne ne me convient pas : Bien sûr je pense à l'incroyable Monet des dernières années, mais il faut toute une vie pour devenir Monet ! Je ne vais pas commencer à y songer à mon âge.

Autrement dit : 1 - la nature est trop belle et subtile en elle-même pour que je m'y mesure. En ville c'est plus facile de peindre, il y a tant de laideurs à transfigurer. 2 - quand on ne peint plus depuis longtemps pour déverser son pathos d'urbain névrosé, on ne désire aucunement tordre la nature dans l'expressionnisme, ce qui peut par ailleurs être magnifique, voir les paysages de Nolde ou de Soutine. Donc les 7000 coups de pinceaux par peinture ne représentent pas d'éléments de paysage. Mais libre à chacun de voir ce que je ne fais pas : des hachures sont des herbes, des roseaux, d'autres des clapotis aquatiques ou des nuées dans le ciel, d'autres encore de la pluie ? Si jle faisais ce serait différent, mais chaque instant de l'acte de peindre n'est focalisé que sur une chose : construire une image dans la logique de l'image, de ce qu'elle doit, à travers moi, devenir. Que doit-elle devenir ? Un objet indépendant qui ne porte pas de message, il est son . Pour le spectateur, la polysémie de lecture viendra ensuite. Merci Umberto Eco pour le concept d'« Oeuvre Ouverte » !

Le lendemain de la réalisation de la toile n°6, des nuages d'orage évoquent ce que j'ai fait. Cela justifie le fait de ne pas chercher à ressembler. Equilibrer : Pour que les photos continuent de jouer un rôle, ne pas occuper les marges systématiquement par vignettes, mais laisser visible les limites discrètes des fragments collés. Quelques motifs à la Alechinsky y apparaissent. Pas pu m'empêcher. Laisser visible par endroit les marges de la carte. On lesvoit trop peu, j'aurais dû y penser avant de coller toutes les photos... évidemment ! Des marges ! Il y a plein de choses dans les marges des cartes ! Et je n'ai pas de rab de photos, de cartes, de toile, de châssis ! C'est que quand je fais une série j'aime bien pouvoir visualiser l'ensemble à tout instant, et à cet instant-là je voulais voir l'ensemble des marges-photos. Etre plus souple à cet égard à l'avenir .

Le jaune : une fois n'est pas coutume, il m'emmerde souvent dans cette série. Puisqu'il n'est (presque) plus l'énergie-pierre des tortues, à quoi sert-il ? Comme disait Serge Jouchoux, notre prof de couleur à l'université, il « speede la toile », c'est déjà ça ! et la vibration entre sa présence et le noir et blanc dominant « me ferait presque bander » (cf. Sarkis parlant de ses sculptures). Je m'amuse aussi à le circonscrire le plus possible, grignoté par la logique de la toile, dont il ne fait que très modestement partie... Et je suis bon prince : 2 toiles lui donnent quand même un grand rôle. Lenteur/vitesse : un des effets voulu est d'apposer l'immobilité carte/photo, leur lenteur de lecture, à l'urgence d'une peinture gestuelle, son apparente rapidité, qui se lit dans une fébrilité de l'oeil. Le paradoxe est que, techniquement, c'est le marouflage qui demande une grande rapidité d'exécution, alors que le hachurage progresse lentement de couche encouche sur des heures ou des jours...

Si on peut parler de beauté : celle de la cohérence interne de l'oeuvre, et de sa pertinence à habiter son contexte. Pour qui comme moi rejette les conceptions classiques de la beauté, c'est bien ceci qui reste : la cohérence, la pertinence. En musique c'est pareil : aujourd'hui un bruit grinçant peut être magnifique s'il est cohérent et pertinent.

Je cite de mémoire Barnett Newman, grand minimaliste devant l'éternel artistique: « Quand une peinture nous rebute, il suffit de trouver un moyen, un détail par exemple, pour entrer dedans. Alors si elle est cohérente tout le reste se dévoile et se déroule en allant de soi. » Mais ne pas entrer par une dissonance...

Elles sont maintenant terminées, et je les regarde sans me lasser, chacune est pour moi comme un pays. Tant mieux. Ça tombe bien : dans « Pais llamado Alechinsky », revue « Ultimo Round », 1969, Julio Cortàzar, (mon écrivain préféré, quelle belle coïncidence!) évoque ainsi sa peinture : « Il ne sait pas que nous aimons errer à travers ses peintures, qu'il y a longtemps que nous nous aventurons dans ses dessins et ses gravures, en examinant chaque recoin et chaque labyrinthe avec une attention secrète. Elle mit toute une nuit pour rejoindre la sortie d'une petite peinture dans laquelle les sentiers s'emmêlaient comme un acte d'amour interminable »

Ecouter ce que dit une création, tout ce qu'elle dit, et rien que ce qu'elle dit. Entendre les liens qu'elle tisse avec d'autres domaines, d'autres idées, d'autres personnes, mais ne pas l'obliger à dire ce qu'elle ne dit pas ou que d'autres voudraient qu'elle dise.

2020 - Pierre GAREL - sur la série En marge des Tortues